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ANNEXE A: LE CIRCUIT DE LA RÉCOMPENSE

1- Le concept biomédical et le circuit de la récompense

Le cerveau est composé de milliards de cellules appelées neurones, qui communiquent ensemble par des synapses. Le message d’un neurone à l’autre est transmis par un neurotransmetteur, qui est en quelque sorte un produit chimique. Il existe plus d’une centaine de neurotransmetteurs connus à ce jour.

Ce neurotransmetteur ou produit chimique est relâché par un neurone et capté par un autre neurone via un récepteur, ce qui fait en sorte que le message est transféré extrêmement rapidement pour obtenir l’effet désiré, qu’il soit physique (lever le bras, se gratter le nez…) ou émotionnel (se mettre en colère, avoir du plaisir ou de la peine…).

D’un point de vue biomédical, il y a quatre principaux systèmes impliqués pour expliquer la dépendance :

  • a) Le système de la dopamine,
  • b) le système d’autorégulation,
  • c) le système opioïde et
  • d) le système de stress.

a) Le circuit de la dopamine

Tous les psychotropes amènent une libération de la dopamine (qui est responsable de la sensation de plaisir) : c’est le circuit de la récompense qui peut aussi être stimulé de façon comportementale (non chimique), comme avoir une relation sexuelle, prendre un bon repas, manger une sucrerie ou du chocolat, magasiner, se reposer, voir un ami, écouter sa musique préférée, pratiquer un sport ou un passe-temps, etc.).

Ce système de récompense était primordial pour nos ancêtres qui devaient absolument, pour leur survie, combattre des animaux pour se protéger, ressentir le besoin de tuer l’animal pour nourrir le clan, et trouver une source d’eau pour abreuver la tribu, etc.

Se forma alors le circuit de la récompense : si vous avez beaucoup soif suite à une journée passée à la chaleur ou après avoir fait de l’exercice, vous avez un moment de bonheur lorsque vous buvez un grand verre d’eau fraîche. En réalité, c’est la libération de dopamine dans votre cerveau qui vous donne cette satisfaction. Le plaisir est déclenché par la dopamine, et non pas par l’eau comme telle.

C’est exactement le même principe en dépendance : le dépendant devient accro à la libération de sa propre dopamine, pas à la substance comme telle. C’est d’ailleurs pourquoi on peut devenir dépendant à un comportement non chimique (achats compulsifs, jeu pathologique, boulomanie, etc.)

En se faisant, l’organisme nous félicite d’avoir choisi l’option de boire pour étancher notre soif, puisque boire est un besoin primaire. Sans eau, nous pourrions être malades, et ultimement mourir de soif.

Notre cerveau fera en quelque sorte nous récompenser suite à ce geste pour nous pousser à répéter le geste (dans ce cas, pour une bonne cause : boire pour sa survie).

Pour que la dopamine soit efficace, elle a besoin de transmettre son message de neurone en neurone, ce qui se fait grâce aux récepteurs de la dopamine.

Si ces récepteurs sont retrouvés en plus petit nombre chez une personne, elle sera plus à risque de chercher ailleurs son « plein » de dopamine : c’est la dépendance.

Le système de récompense est donc activé en faisant quelque chose qui nous plait, en fonction des besoins du moment. 

Cela devient un cercle vicieux : plus il consomme, plus le dépendant perd des récepteurs de dopamine, et plus il a besoin de substances chimiques artificielles pour compenser. S’il y a arrêt de la consommation, les récepteurs, pas assez nombreux, ne fournissent plus au besoin de dopamine: c’est la sensation de sevrage.

Pour contrôler la dopamine, il y aura une augmentation de son effet par l’acétylcholine, et une diminution de l’effet par le glutamate, qui sont d’autres neurotransmetteurs. C’est un peu comme un thermostat pour contrôler la température dans une pièce de la maison.

Chez le dépendant, ce mécanisme de contrôle est défectueux, et si ces personnes sont exposées à des drogues ou des comportements susceptibles d’être addictifs, le risque de sombrer dans la dépendance est accru.

Le dépendant sait très bien que son comportement est inadéquat et dangereux pour sa santé, mais son « thermostat » étant brisé, le contrôle de la substance ou du comportement est déficient. 


b) Le système d’autorégulation

L’autre système très important de la dépendance est le système d’autorégulation, qui est responsable de la maîtrise de soi, ce dont le dépendant a absolument besoin pour choisir de ne plus l’être.

Ce système est situé principalement dans le cortex préfrontal, plus spécifiquement le cortex orbitofrontal, qui abonde de récepteurs opioïdes et de dopamine. 

Chez le dépendant, ce système ne fonctionne pas normalement dû à une anomalie dans la circulation sanguine de cette partie du cerveau, ce qui explique que le dépendant est particulièrement poussé à prendre des décisions plus ou moins avisées, et les systèmes cérébraux semblent programmés pour choisir le gain à court terme (p. ex. la drogue ou le jeu) malgré les conséquences délétères à long terme. 


c) Le système opioïde

Les récepteurs opioïdes du cerveau sont le siège naturel des sensations de satisfaction, d’apaisement et d’intimité et sont sensibles aux psychotropes. Ces récepteurs sont particulièrement importants dans le développement de la tolérance, qui est le besoin de consommer de plus en plus de substance pour obtenir l’effet recherché (ou augmenter la fréquence de consommation ou le mode de consommation, p. ex. : injection au lieu de prise orale).

Le meilleur exemple de l’effet des opioïdes (endorphines) est certainement celui du marathonien qui ressent une sensation de bien-être et de calme en courant de longue distance. Ce n’est pas la course qui fait en sorte que le coureur se sent euphorique, mais bien les endorphines naturelles sécrétées par son propre cerveau.

Le système opioïde est d’avantage lié au plaisir et à la satisfaction de la substance, alors que le système de dopamine a une importance accrue dans l’initiation et l’établissement de la dépendance (désir, besoin, manque). 


d) Le système de stress

Lorsque le stress se présente de façon chronique et exagérée, il y a un relâchement d’adrénaline et de cortisol (l’hormone du stress), qui cause des lésions au système de dopamine, et une atrophie de l’hippocampe (nécessaire à la mémoire et aux traitements des émotions). 

Le stress vécu durant l’enfance et même dans la période fœtale aura une influence sur le développement cérébral de l’enfant. 

Les causes de ces particularités cérébrales

La diminution du nombre de récepteurs de la dopamine serait liée aux soins apportés aussi bien à l’enfant qu’au fœtus.

Les enfants enregistrent les états émotionnels des parents (douceur de la voix, pupille dilatée de la mère heureuse qui est perçue par le bébé), tension dans les bras qui les prennent, expressions faciales, langage corporel, stress, etc. Cela se produit uniquement dans le cortex frontal. 

Cela aura pour effet qu’un plus petit nombre de récepteurs de dopamine et opioïde sont présent, et que le développement du cortex orbitofrontal est modifié. La dépendance serait donc programmée dès la tendre enfance, ou à tout le moins, les risques de la développer seraient accrus.

Il y a de l’espoir

Même si le cerveau du dépendant a des manques développementaux, et qu’il y a certes des dommages cérébraux reliés à la consommation, le cerveau peut s’adapter de par sa plasticité. 

Le cerveau, heureusement pour le dépendant, continu à se développer durant toute notre vie, et il produit de nouvelles cellules à l’âge adulte, en ayant la capacité de former de nouveaux circuits.

Il faut stimuler notre cerveau extérieurement pour obtenir des changements intérieurs. Le cerveau peut se remodeler toute la vie durant, dans un premier temps sous l’effet d’un environnement enrichi, apaisant et dans l’amour et la compréhension, mais aussi sous l’effet de changements dans notre façon d’agir et notre façon de penser.

L’activité mentale peut physiquement recâbler les circuits défectueux du cerveau et modifier les réactions cérébrales et émotionnelles inadéquates. Qui plus est, l’esprit et l’âme, que la science biologique ne peut expliquer, ont aussi un rôle important à jouer.

La méditation pleine conscience est particulièrement efficace pour améliorer le système d’autorégulation des émotions dans le cortex préfrontal. La pleine conscience permet de reconnaitre que les émotions sont originaires du passé, et faire en sorte qu’elles ne viennent plus brouiller notre vision du monde.  

Le dépendant ne doit surtout pas se déresponsabiliser et s’apitoyer sur son sort en se disant: Je consomme parce que mon cerveau à des déficiences il devrait penser plutôt comme ceci: J’ai possiblement un cerveau avec des lacunes, mais je sais qu’en y travaillant ardemment et en le respectant, il pourra s’améliorer beaucoup dans un futur rapproché. D’autre y sont parvenu avant moi, pourquoi pas moi? Pourquoi n’aurais-je pas droit moi aussi au bonheur?

2- Le concept psychosocial

Le système de récompense expliqué plus haut ne peut expliquer à lui seul le problème de la dépendance. 

En effet, la solution à la dépendance doit impérativement tenir compte du contexte psychosocial, avec ses implications environnementales, familiales et sociales.

Le milieu social et l’environnement jouent un rôle primordial dans la dépendance : la situation familiale, l’habitude de consommation dans la famille et leurs comportements face aux drogues ou à d’autres comportements addictifs, le cercle d’amis auquel on appartient, le milieu de travail, l’accessibilité aux psychotropes ou à de l’aide psychologique, la criminalité du milieu, l’éducation, la pauvreté, une difficulté de la vie particulière, un deuil, etc.  

L’âge de l’individu, le sexe, le poids, la santé physique, psychologique et mentale sont aussi très importants. 

Une chose est certaine : La gestion des émotions est primordiale au contrôle de la dépendance.